Les nanomédicaments, un grand espoir pour la guérison de cancers

13.11.12


Jérémy Lacoste : Que sont les nanotechnologies ?
Patrick Couvreur : Ce sont des objets compris entre quelques dizaines et quelques centaines de nanomètres, soit 70 fois plus petits qu'un globule rouge. Ces nano-objets sont, à l'intérieur, remplis de médicaments tandis qu'à la surface, ils sont composés de sortes de missiles de reconnaissance permettant aux nanomédicaments de reconnaître leur cible biologique, ici la cellule défectueuse.
J. L. : Vous êtes l'un des précurseurs de la recherche sur les nanotechnologies. Comment en êtes-vous arrivés à les étudier ?
P. C. : Alors que je faisais ma thèse sur les comprimés, le laboratoire voisin du mien, dans lequel travaillait Christian De Duve (Prix Nobel 1974), essayait de faire entrer des médicaments dans certaines cellules sans y parvenir. Or, après avoir rencontré un professeur de Zurich, spécialiste en nanotechnologies non médicales, je me suis consacré à ce thème que je pensais porteur. Ma première publication parut donc en 1977, dans laquelle j'explique comment encapsuler une molécule dans des nanoparticules, lesquelles sont ensuite injectées dans des cellules qui les rejetaient auparavant.
J. L.: Les nanotechnologies sont-elles la voie à suivre pour guérir le cancer ?
P. C. : Même s'il n'y a pas qu'une voie à suivre, les nanotechnologies peuvent apporter une réponse forte. Plusieurs molécules anti-cancéreuses efficaces n'ont jamais été mises sur le marché à cause de leur caractère nocif, insoluble, ou fragile. Avec ces nanotechnologies, nous pourrons désormais les utiliser. Je pense intimement qu'il faut réétudier ces anciennes molécules pour découvrir de nouveaux médicaments prometteurs.
J. L. : Le cadre français permet-il le développement de ces technologies ?
P. C. : En ce qui concerne la législation française, elle est plutôt adaptée puisque, comme pour tout médicament avant l'autorisation de mise sur le marché, il faut des essais toxicologiques, pharmacologiques, et une évaluation du rapport bénéfice/risque. Au niveau du financement, les fonds sont disponibles puisque le secteur est porteur, mais la compétition reste importante et la collaboration avec le secteur privé, conséquente.
J. L.: Le nanomédicament est-il l'avenir dans la lutte contre le cancer ?
P. C. : Actuellement, il y a entre cinq et dix nanomédicaments - suivant les pays - sur le marché, dont certains présents depuis cinq ans. En France, on peut en compter six. Récemment, mon équipe a découvert une nouvelle forme de nanomédicament, actuellement en phase clinique 3. Ce sont des nanoparticules à base de polymères biodégradables qui contiennent un médicament anti-cancéreux. Ces dernières contournent les mécanismes de résistance et agissent sur les cellules infectées. À terme, il est probable qu'on trouve des approches thérapeutiques qui permettent la guérison de certains cancers, mais pas d'autres. Je ne pense pas qu'un médicament unique puisse guérir toutes les formes de cancer. Reste que les avancées sont considérables grâce aux médicaments, même si quelques effets secondaires restent à déplorer. On ne le répétera jamais assez, l'espérance de vie a progressé de sept ans ces trente dernières années, une avancée essentiellement due aux médicaments. 

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