Le développement de la chimiothérapie à domicile est recommandé dans
le Plan cancer mais, depuis la parution fin 2004 d'un arrêté
réglementant cette activité pour qu'elle soit pratiquée avec le même
niveau de sécurité et de qualité qu'à l'hôpital, elle a fortement
diminué, les équipes rencontrant des difficultés à établir les
conventions nécessaires entre les différents acteurs.
Certaines équipes ont cependant persévéré. Les premiers
résultats à six mois de l'expérimentation menée par le réseau régional
Onco Pays-de-la-Loire en montrent la faisabilité. Il s'agit de la
deuxième expérimentation portée par ce réseau sur la chimiothérapie à
domicile.
La première avait été conduite dans le bassin de Saint-Nazaire
(Loire-Atlantique), sans préparation centralisée des médicaments
(rétrocession des spécialités et reconstitution au lit du malade par
l'infirmière). Dans la deuxième, menée par le réseau territorial de
Nantes, les fabrications ont été centralisées au sein de la pharmacie à
usage intérieur (PUI) de l'Hôtel-Dieu du CHU de Nantes, conformément à
l'arrêté de décembre 2004.
L'expérimentation a concerné des patients adultes pris en charge
sur le site nord du réseau territorial de Nantes (par le Centre
René-Gauducheau de Nantes).
La coordination était assurée par une infirmière coordinatrice,
en collaboration avec les médecins hospitaliers, le médecin généraliste,
les infirmières libérales, les pharmaciens d'officine et des sociétés
prestataires de services spécialisées dans la maintenance matérielle.
Une phase préparatoire a permis de choisir une solution de
colisage et de qualification du colis retenu (société Kalibox*) et de
rédiger un cahier des charges pour la prestation de transport ainsi que
des chartes entre les différents partenaires.
L'oncologue référent initialise le traitement selon un protocole
validé par le réseau régional. La cellule de coordination établit la
programmation des cures, en collaboration avec la PUI. Chaque cure fait
l'objet d'une validation définitive la veille selon les informations
recueillies par l'infirmière coordinatrice, ce qui déclenche la
fabrication et le contrôle des préparations, la veille ou le matin-même.
Les médicaments sont alors enlevés par le transporteur
prestataire (Pharmadom-Orkyn, groupe Air Liquide), le matin, pour un
acheminement au plus tard à 14 heures dans la pharmacie d'officine
choisie par le patient (avec une fiche de liaison). L'infirmière vient
les chercher avant de se rendre au domicile du patient pour
l'administration. La fiche de liaison est retournée par le pharmacien
d'officine à la PUI.
Après six mois de recul, l'expérimentation a recruté 41 patients
dont 30 femmes, essentiellement pour des cancers du sein (59%), ORL
(20%) et du pancréas (10%).
Les patients résidaient à moins de 10 km du CHU dans 39% des cas
et à plus de 25 km pour 32%. Au total, 38 pharmacies d'officine (sur
444) ayant validé la formation ont réceptionné au moins un colis et 59
infirmières libérales ont été impliquées dans l'administration des
traitements.
Le nombre de chimiothérapies préparées et mises en colis par la
PUI est de 224 (8,6 par semaine), dont 56% à base de trastuzumab
(Herceptin*, Roche), 19% de gemcitabine (Gemzar*, Lilly), 13% de
méthotrexate et 12% à base de 5-FU.
L'analyse des fiches d'effets indésirables dans le cadre du
système qualité n'a répertorié aucun incident majeur au regard de la
qualité de la prise en charge thérapeutique du patient, sur le plan de
l'organisation globale du circuit, du flux d'informations et de la
prestation proprement dite.
UNE PRISE EN CHARGE MOINS CHERE MAIS MOINS BIEN FINANCEE
Le
financement de ce projet a été multiple. L'Union régionale des caisses
d'assurance maladie (Urcam) finance le fonctionnement de la cellule de
coordination du réseau via la dotation régionale des réseaux, ainsi que
les mesures dérogatoires remboursées aux professionnels de proximité. La
CPAM assume la préparation pharmaceutique, la dispensation et la
coordination par la PUI. Enfin, le CHU prend en charge la partie logique
via le fonds de la Mission d'intérêt général et d'aide à la
contractualisation (Migac), ainsi qu'un temps de coordination
pharmaceutique.
A titre indicatif, la prestation est facturée environ 40 euros
par la PUI de l'Hôtel-Dieu. Les premiers résultats de l'étude
médico-économique confirment le coût moindre de la réalisation de
chimiothérapies à domicile (340 euros contre 473,35 euros en hôpital de
jour, médicaments en sus).
La part de la logistique (colisage et transport) représente une
part importante des frais engagés (85 euros sur 340, soit 25%). Pour les
auteurs, ces coûts demandent à être optimisés.
Les enquêtes de satisfaction montrent une motivation des
pharmaciens d'officine, des infirmières satisfaites et une forte
satisfaction des patients.
Certains risques ont été identifiés, notamment des difficultés
de positionnement des établissements prescripteurs compte tenu du
financement à l'activité. La chimiothérapie à domicile peut permettre de
désengorger les hôpitaux de jour à condition de maîtriser les coûts par
unité d'oeuvre (fabrication/contrôle de la chimiothérapie) en limitant
le nombre de sites de fabrication et en valorisant cette activité dans
la T2A.
De plus, le mode de financement via les Migac n'est pas viable
au-delà de la phase expérimentale compte tenu de son caractère aléatoire
et non pérenne.
"A terme, l'ensemble du projet est sous-tendu à l'existence d'un
système d'information partagé par l'ensemble des acteurs", ce qui
implique l'intégration au sein du Dossier communicant et cancérologie
(DCC) des informations produites par les acteurs et l'informatisation de
l'axe pharmaceutique, ajoutent les auteurs.
(Bulletin du cancer, vol.95, n°5, pp.543-549)
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